À la lueur de la lune (RP avec Finde)

Haletante, Lex stoppait enfin sa course, son couteau à la main. L’homme qu’elle poursuivait venait de s’arrêter aussi. Elle distinguait à peine sa silhouette encapuchonnée dans la noirceur nocturne. Le vent balayait sans entrave le pont qui enjambait la rivière Wawki et faisait danser la chevelure châtaine de la jeune femme. Les sifflements du vent se mêlaient au chant de la rivière qui coulait sous ses pieds, le courant était particulièrement actif après ces pluies diluviennes des derniers jours qui avaient gonflés ses flots.

Elle entendait l’homme respirer aussi, il était à bout de souffle et avait posé la main sur un soutien d’acier. Il se retourna lentement, son visage rencontra enfin les lueurs de la lune et, alors qu’elle voyait se dessiner un sourire narquois sur ses lèvres, Lex desserrait les doigts sur son couteau et le rabaissait près de sa cuisse.

- Mais qu’est-ce que ça veut dire? Dit-elle, visiblement surprise, mais aussi un brin méfiante.

L’homme se mit à rire et lui fit une espèce de petite révérence un peu théâtrale. Effectivement, il avait bien joué son rôle, mais pourquoi diable l’homme de main du grand patron l’avait-il lancée aux trousses de Daylen, le chef de son ancien clan? C’était encore une espèce de test? On voulait l’initier pour savoir ce qu’elle avait vraiment dans le ventre avant qu’elle se présente à la table des sept « grands chiens », les seigneurs du crime organisé émérien? Mais ce test était vraiment ridicule, ça ne rimait à rien! Elle allait demander de plus amples explications à son ancien chef lorsque le bruit d’un véhicule se fit entendre. Il était stationné dans l’obscurité un peu en retrait et on venait de tourner la clé dans le contact. Les phares s’allumaient derrière elle, lui faisant bien voir les traits de Daylen qui, aveuglé, plaçait maintenant la main devant son visage. Lex se tourna pour avoir un meilleur point de vue sur la voiture qui s’amenait, cette dernière finit par s’arrêter et elle entendit la portière s’ouvrir. Elle ne voyait pas bien qui s’approchait d’elle ainsi, car les phares lui faisaient plisser les yeux, mais elle reconnu l’homme de main quand il arriva à distance respectable.

- Hmmm… surprise, surprise! Dit-il d’un ton étrangement calme et mielleux. De belles retrouvailles n’est-ce pas… il y a bien une semaine que vous ne vous êtes vu, alors j’ai pensé que ça te ferait plaisir ma chérie.

Lex haussa un sourcil, elle ne comprenait toujours pas où il voulait en venir avec cette petite mise en scène, Daylen semblait de connivence, mais cela ne lui disait rien qui vaille et elle avait resserré sa poigne sur son couteau. L’homme de main avait une expression un peu enjouée sur le visage, mais soudainement ses traits prirent leur dureté habituelle, celle sous laquelle il lui était toujours apparu jusqu’alors.

- Oui, bon, c’est amusant, mais nous n’allons pas y passer la soirée, n’est-ce pas? Tue-le.

La jeune femme n’en croyait pas ses oreilles, et aussi laissa-t-elle échapper un « Quoi? ». Daylen, pour sa part, venait de perdre son sourire narquois.

- Tue-le… t’es sourde?

Avant que Lex n’ait le temps d’ajouter quoi que ce soit, Daylen avait commencé à balbutier :

- Quoi? T’es fou Badger… déconne pas… tu… tu déconnes pas vrai? Hein?

Voyant que l’homme de main affichait toujours son air glacial, Daylen et Lex comprirent que ce n’était nullement une blague. La jeune femme était sidérée et son couteau tremblait au bout de sa main. Elle avait commis plusieurs méfaits dans les dernières années, mais elle n’avait jamais encore supprimé qui que ce soit. Déjà l’idée d’avoir peut-être un jour à tuer quelqu’un lui avait toujours été difficile à supporter, mais l’idée de poignarder Daylen lui semblait encore plus incongrue. Mais pourquoi les grands chiens voudraient-ils se débarrasser de lui? Il était pourtant un bon chef de clan, il leur était loyal… du moins pour ce qu’elle en savait.

Un lourd silence s’installa l’espace d’un instant, le regard de Lex passait tour à tour sur chacun des deux hommes.

- Tu hésites? Pourtant cette petite pourriture voulait prendre ta place, chérie, il disait que tu n’avais pas ce qu’il fallait. Et… enfin… il semble qu’il avait raison.

Sur ce dernier commentaire, il lança un flingue au chef du clan.

- Très bien, bute-la.

Daylen reçut l’arme dans sa main et son regard surpris se changea soudainement en un air plus assuré. Il pointa l’arme sur Lex, mais la jeune femme avait senti la soupe chaude depuis quelques secondes déjà et elle avait repéré une chaîne de support brisée qui était attachée au rempart. Alors que le pouce de son ancien chef retirait le cran de sécurité, elle bondissait en attrapant la chaîne au passage et se jetait du haut du pont. Le coup fut tiré, le projectile passa tout près, mais il ne l’atteignit pas. La longue chaîne se déroula alors qu’Alexia chutait vers la rivière, puis elle se raidit et stoppa la descente avant de balancer la jeune femme en la ramenant sous la structure. D’une main, elle s’agrippa solidement à une poutrelle.

- Termine ton boulot Daylen, entendit-elle clairement alors qu’elle commençait à se laisser glisser prudemment vers un pilier de béton.

Son cœur battait à tout rompre, elle tentait de garder le contrôle sur sa descente, mais, alors qu’elle se rapprochait de l’eau, les piliers étaient parsemés de limon et elle se mit à glisser. Elle étouffa une exclamation alors que ses doigts brûlaient sous la friction et elle dut déployer une énergie incroyable pour ne pas tomber à la flotte. À cette hauteur, elle risquait de se tuer sur un des nombreux rochers qui perçaient la rivière. Elle réussit à freiner sa dégringolade en agrippant un soutènement et à se déplacer vers un autre pilier en rampant le long d’une poutrelle plus basse. Elle se rapprochait de la rive et elle pouvait descendre, maintenant. Elle le fit avec attention, mais avec agilité. Elle mit pied sur le rivage en regardant partout autour d’elle… elle était au pied de la montagne de Cristal et une route qui menait au ghetto passait à quelques mètres. La voie semblait libre, elle allait y courir, quand Daylen sortit de derrière un grand rocher. Rapidement, elle reprit son couteau dans sa main. Il pointait le flingue sur elle.

- Non … parvint-elle à dire. Tu n'es pas un meurtrier Daylen, pas plus que moi. Fouttons le camp, il ne pourra pas nous rattraper si on fuit sur la montagne. Ne fais pas ça.

- Sûr que je vais l’faire, eut-il pour simple réponse, et ce sera un réel plaisir de te trouer la peau!

Effectivement, elle voyait, dans son visage, qu'il semblait savourer ce moment. Comment avait-elle pu ignorer à ce point toute la haine qu'il avait pour elle! Était-ce sa soudaine promotion qui l'avait rendu fou de jalousie ou s'il mijotait ce venim depuis plus longtemps encore? À cette courte distance, il n’y avait pas trop de chance qu’il puisse la manquer et elle le savait, elle voyait sa dernière heure bel et bien arrivée.

Une forme... Difforme... d'humain atrocement mutilé passait silencieusement de toits en toits.
Une bien sombre affaire, ce soir, Findecano avait faim, la viande "classique" et les legumes fades, ils ne pouvaient entièrement le satisfaire... Ce soir, il avait faim, et ni son oncle, ni ses quatre frères et sœurs de l'ordre naissant d'émeraude ne pourraient ne lui en empêcher... Ce soir il dévorerait, ce soir, il mangerait A SA FAIM !
Pourtant, le jeune fée possédait encore quelques scrupules malgré sa forme bestiale quasi démoniaque, son sourire carnassier dissimulant bien les remords pour ses quelques précédentes victimes et Findecano c'était décidé a ne manger qu'un "beau connard", ou a la limite, un inutile, dans la mesure que son ventre le pousserait contre ses principes...
Ainsi, le chevalier torturé par une telle prise de tête, écumait le ghetto a la recherche d'un de ces profils. Naturellement, il ressentit aussitôt de l'agitation a l'entrée du camp miséreux, impliquant une fille et un mec. Les deux puits sombres, les yeux de Finde, s'éclairaient d'une lueur d'espoir, teinté d'un certain empressement.
A cette heure la, soit, c'est un viol, soit, c'est une prostituée. Dans les deux cas, je passe a table !!

Ravie, l'ombre mutilée d'un être humain atterrit souplement devant la douane, s'accroupit, et telle une grenouille hideusement humaine, sauta... Réception impeccable, reprenant la posture crapaud, une main a terre, les cheveux couleur obsidienne au vent, Findecano huma l'air nocturne, frais de la présence a quelques pas de la rivière Wawki... Sous le pont... Le rictus éternellement machiavélique plus carnassier que jamais, la fée déchue aperçut le couple en pleine escalade et ce jeta habilement de la construction.
Rattrapant in extrémis l'une des poutrelles en acier, de la mode du siècle précédent, les deux pieds a quelques mètres de son potentiel repas, Findecano laissa siffler un petit rire cruel, empreint d'une monstruosité claire, alors que la silhouette masculine mettait en joue la jeune femme...

Je ne vous gêne pas monsieur ? Cette demoiselle n'a pas l'air de comprendre pourquoi vous comptez la tuer ! Alors que moi ! honorez moi de votre intérêt, eeet je vous donnerai une raison de m'enfoncer deux ou trois balles dans ma chair. Ceci si vous êtes encore en état d'appuyer sur la gâchette de votre foutue arme quand j'en aurai fini avec vous, bien sur...

Lex tourna la tête dans la direction d’où semblait provenir cette voix, un timbre qu’elle ne reconnaissait pas. Elle se demandait quelle espèce de surprise Badger lui avait encore réservée, ce petit jeu devenait de plus en plus tordu. La silhouette était très grande… en fait beaucoup trop pour être celle d’un humain normalement constitué. Ce fut seulement lorsque les rayons de lune définirent un peu plus clairement les traits et la physionomie de celui qui venait de s’interposer que l’angoisse de la jeune femme devint plus palpable. Ce visage… ces dents… ces membres longs et griffus…

- Qui c’est celui-là? Rappelle ton chien, Lex! Fit Daylen qui, vraisemblablement, semblait croire que la bête était avec elle.

Le regard de la jeune femme se détacha enfin de l’être difforme. Elle tenait toujours son couteau, ses doigts faisant rouler le manche dans sa main, ce qui laissait voir qu’elle réfléchissait. Elle glissa rapidement les yeux vers Daylen qui pointait maintenant son arme tour à tour sur les deux êtres qui se trouvaient devant lui.

- Recule, lui dit-il.

C’était elle qu’il regardait à cet instant précis, elle comprit que c’était à elle qu’il s’adressait. Elle recula sans se précipiter, gardant l’œil sur les deux autres. Après deux pas, elle pénétrait dans la rivière.

- Recule, répéta-t-il plus impatiemment juste avant de remettre la bête en joue.

Il était visiblement nerveux et Lex savait qu’il tentait de réduire la menace qu’elle pouvait lui présenter en l’éloignant. Plus elle reculait, plus le courant de la rivière était démentiel et les roches rondes et glissantes roulaient sous ses pieds, elle avait peine à garder son équilibre… Daylen voulait la rendre plus vulnérable. Elle ne pouvait désormais fondre sur lui sans être ralentie et sans faire un vacarme d’éclaboussures. La seule possibilité qu’il lui restait était de lancer son couteau. Elle n’était pas mauvaise à cela, mais, si elle ratait son coup, elle se retrouverait complètement désarmée.

Bien sûr, elle aurait pu démentir les suspicions de Daylen, lui indiquer que la bête n’était pas avec elle, mais alors elle aurait peut-être perdu un avantage stratégique. Elle n’avait rien à gagner à le faire, Daylen ne reviendrait pas dans son camp.

Un bref éclat de lumière métallique attira son attention du côté du pont. L’obscurité voilait ce qui aurait pu s’y trouver, mais Lex se doutait que Badger n’avait peut-être pas quitté les lieux. Il était probablement armé et peut-être les observait-il de son perchoir, peut-être même attendait-il simplement l’occasion de les supprimer tous si les événements prenaient une tournure qui ne lui plaisait pas. S’il abattait le géant difforme, elle était perdue. La bête avait des oreilles longues et pointues, cela lui rappela un peu celles des elfes… peut-être avait-elle, aussi, des pouvoirs ressemblant aux leurs?

- **Il y a un autre homme armé sur le pont.** Tenta-t-elle télépathiquement à l’intention du monstre alors qu’elle continuait à reculer et que la force du courant des rapides lui faisait plier les genoux.

D’ailleurs, Lex, malgré son habituel sang-froid, angoissait sérieusement, elle était complètement à découvert dans cette rivière. Le coup fut silencieux, Badger possédait un équipement sophistiqué. N’empêche que le projectile effleura l’épaule de la jeune femme au moment où la rivière lui faisait définitivement perdre pied. Elle laissa échapper un court cri étouffé avant de se retrouver submergée et emportée par les flots. L’instant d’après, un deuxième coup de feu était lancé, celui-ci bien sonore : Daylen venait de tirer.

Vous me traitez de chien ? Voyez vous ça, je vais me prendre au jeu.

Findecano sauta sur l'homme armé, et d'un geste désinvolte, presque passif, lui coupa la gorge, une griffe longue dansant sur le coup denudé.
L'écoulement rapide du sang ne fit que raviver la flamme meurtrière dansant dans ses yeux monstrueusement sombres et la fée se demanda si il aurait suffisamment de scrupules pour épargner la femelle de son massacre culinaire. Cette jeune femme c'était, d'ailleurs réfugié plus bas, les deux pieds dans la flotte et n'avait pas vu la mort de son agres... Findecano se figea, l'espace d'un instant, le chevalier sentit la présence d'un homme sur le pont, le message télépathique de la victime vint lui confirmer...
Un coup de feu. La balle siffla, mais l'ombre l'esquiva, sans aucun probleme et Findecano crut voir le nouvel arrivant blêmir, la fée monstrueuse sauta sur l'avantage psychologique et déballa:

Respectez le silence de votre flingue et je vous promet sur ce qu'il reste de fée en moi que l'œuvre de votre mort sera accomplie sans cruelles subtilités ou atroces supplices. Mais tirez moi encore dessus, et j'oublierai la règle élémentaire de bonne tenue sociale, celle qui consiste a prohiber l'amusant "tue-l'ennui" connu comme "jouer avec sa nourriture"...

L'homme sourit, détendu, et répliqua calmement, mais la note tremblante, a peine perceptible dans le ton de sa voix trahissait quelque chose, il venait de lui monter un sale coup, et il espérait sincèrement que cela fonctionnerait:

A moi de t'offrir un choix, creature. La demoiselle que tu est venu "sauver", même si ton véritable but est bien moins charitable, n'est plus ici. Tu devrait la trouver "downstream" si je peux me le perm...

Une boule de flammes violettes le cueillit sous le plexus a ce dernier mot et l'homme encore vivant, s'écroula sur le pont. Findecano, lui, avait bondit, atterrit dans la chaussée plus haut et s'était mis a courir pour rattraper la malheureuse, emportée par le courant. Arrivant a son niveau, la fée, n'ayant pas envi de trop se fatiguer physiquement, usa de ses pouvoirs de lévitation pour arracher la fille au courant et la fit atterrir devant lui. Ayant remarqué la beauté mystérieuse de cette jeune femme plus tôt, Findecano prit sa fausse apparence, celle de la fée insoucieuse qu'il incarnait il y'a de cela plusieurs années et plaisanta:

Je vous remercie, mademoiselle, vous venez de me gâcher mon repas !




Finde avant d'etre moche ^^:
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Quelle situation déconcertante… quand on a plus prise sur les rochers qui semblent défiler sous nous à une vitesse folle, quand le courant nous traîne, nous chavire, nous roule, nous aspire comme si nous n’étions qu’une feuille morte. Où se trouve le fond, où se trouve la surface? De temps à autre, Lex se heurtait à l’arrête d’un roc, mais ses mains n’arrivaient pas à agripper la surface poisseuse. De temps à autre, elle arrivait à respirer, mais aussitôt le courant lui faisait boire un bouillon. Le bruit de la rivière démentielle emplissait ses oreilles et ses eaux qui descendaient de la montagne de Cristal la glaçaient. Elle sentait ses muscles las, ils lui semblèrent tellement mous et lourds lorsqu’elle s’éleva au-dessus de la rivière. Il lui fallut deux ou trois secondes pour réaliser qu’une force mystérieuse venait de la sortir des remous et la lutte qu’elle avait livrée contre les flots agités l’avait trop épuisée pour qu’elle réagisse autrement qu’en se laissant docilement faire. Elle toussait encore, évacuant l’eau polluée de ses voies respiratoires, lorsque son corps détrempé toucha enfin la terre ferme. Elle était assise sur ses genoux, la tête penchée vers l’avant alors que la quinte se calmait. Les ongles de sa main droite s’enfoncèrent dans le gravier, comme si elle voulait s’assurer de ne plus perdre poigne. Elle tremblait, à la fois de froid et d’épuisement. Elle reprenait son souffle, sa longue chevelure ruisselant abondamment quand elle entendit la voix de celui qui venait de lui sauver la vie.

*Son repas?* Pensait-elle tout en tentant de remettre ses idées en place. Elle releva lentement la tête vers son interlocuteur, ne reconnaissant pas celui qui se tenait devant elle. Le visage de la jeune femme trahissait ses interrogations intérieures, cherchant qui cela pouvait-il bien être… mais, cette voix, elle l’avait entendue moins d’une minute plus tôt. Pourtant, ce n’était pas une bête aux allures carnassières qui se tenait devant elle, mais un homme… un bel homme qui venait de plaisanter sur la situation.

- Quel dommage, répondit-elle sur un ton ironiquement neutre, je vous aurais bien offert mon sandwich, mais il a un peu pris l’humidité, continua-t-elle distraitement en reportant son attention sur le pont.

Elle cherchait à voir si Badger se trouvait toujours dessus, mais l’obscurité baignait toute la structure.

-Et… pour qui bossez-vous quand vous ne venez pas piqueniquer sur les berges de la rivière en pleine nuit dites-moi?

La question était directe, mais la situation n’était pas nette. Qu’est-ce qu’il fouttait là? Il n’était certainement pas là juste pour lui sauver la peau… personne n’avait jamais été là juste pour la bonne cause, il y avait toujours une autre raison : un boulot, une proposition… Un des grands chiens l’avait-il envoyé auprès d’elle?

Le sang qui avait été momentanément stoppé par l’eau glacée de la rivière coulait maintenant le long de son épaule de manière bien visible. La balle n’était pas dans sa chair, mais elle l’avait effleurée et avait laissé une plaie. Elle vit des gouttes d’hémoglobine tomber sur sa main, cela lui rappela la douleur qu’elle avait ressentie avant d’être emportée par les rapides. Elle posa la main gauche sur son épaule et grimaça, comprenant qu’elle était blessée.

Elle laissa échapper un "Merde…" à peine audible en roulant les yeux vers le ciel. Comment avait-elle pu ne pas déceler le plan tordu de Badger, elle aurait dû le voir venir à des milles à la ronde : c’était évident qu’il allait la mettre à l’épreuve. Elle soupira d’irritation avant de plonger son regard d’émeraude dans celui de l’inconnu. Peu importaient ses raisons, il lui avait tout de même sauvé la vie.

- Ouais, où sont mes bonnes manières, finit-elle par dire après un instant, je vous remercie, Monsieur de m’avoir porté secours, dit-elle en terminant sur un bref sourire qui montrait bien sa reconnaissance.

Viande fraîche? Ce truc… ce gars… avait vraiment eu l’intention de bouffer Daylen? Méfiante et fascinée, Lex ne pouvait détacher son regard de la rangée de dents pointues que le sourire de son sauveur lui laissait voir. Elle avait confirmation : c’était bien la bête qui s’était interposée entre elle et son ancien chef de clan lors de l’altercation qui s’était déroulée plus en amont. Cette créature possédait vraisemblablement une magie très puissante pour pouvoir modifier son apparence ainsi et l’avoir tirée des flots de la manière dont elle l’avait fait, même le plus vieil elfe qu’Alexia ait rencontré dans les bas-fonds d’Émeraude n’avait pas de tels pouvoirs.

Elle se relevait, l’observant sur tous ses angles. En dehors de cette dentition carnassière et de cette voix particulière, il était vraiment séduisant. Il semblait humain ou… non, il avait les traits des fées, mais ces dernières n’avaient pas un sourire aussi … mordant. Enfin, malgré tout, il sembla doux à son oreille qu’il l’appela « jolie victime » et elle en fût la première étonnée.

- Je suis Alexia d’Émeraude… Lex, je préfère, fit-elle en omettant son nom de famille volontairement.

Son sourire n’était pas très rassurant, mais elle s’efforça de lui en faire un en retour… il était bref et n’était pas parvenu à camoufler complètement son angoisse. Elle n’eut aucun mouvement de fuite quand il bondit vers elle pour voir sa plaie, même si elle entretenait toujours une immense méfiance à son égard, en fait elle avait plutôt figé, ses pupilles s’étant dilatées, son instinct lui hurlant tellement de conseils contradictoires en cet instant. Il était tout près d’elle et examinait sa plaie, le pouls de la jeune femme s’était accéléré.

- Ce… n’est pas grand chose… c’est… enfin, oui si vous voulez…

La jeune femme balbutiait ces quelques mots quand Findecano se transforma sous ses yeux, reprenant sa forme bestiale. C’était surréel et, il fallait l’avouer, horrifiant pour une personne non habituée à ce genre de chose. Alexia faisait d’immenses efforts pour ne pas laisser paraître ses émotions, elle tentait de se raisonner en se disant que, s’il avait voulu la tuer, il l’aurait fait depuis longtemps. N’empêche qu’elle angoissait sur le fait qu’il s’intéressait à sa plaie dans cette apparence bestiale, l’idée qu’il songeait peut-être à se servir d’elle comme d’un hors-d’œuvre lui effleurait l’esprit. De plus, il ne lui avait toujours pas dit à la solde de qui il était et ce qu’il lui voulait.

Alors qu’elle réfléchissait à tout ça, la créature tenta de la rassurer. Ce qui lui dit lui fit hausser un sourcil, il parlait comme s’il suivait le cours de ses pensées, comment pouvait-il être au courant pour les grands chiens? Cette table n’était connue que des membres du crime organisé. Lui mentait-il ou si ses pouvoirs lui permettaient de lire son esprit? Il avouait avoir quelque chose à lui proposer… le contraire l’eut étonnée.

Elle le regardait avec insistance, s’attendant à ce qu’il lui dévoile sa proposition. Ses yeux étaient plus sombres que la nuit, comme des trous noirs qui engouffraient toute lumière. Troublée par cette vision, Alexia essaya de se trouver une contenance. Elle dégagea doucement son épaule du linge mouillé qui la couvrait, la sortant quelque peu pudiquement par son col en V, histoire de permettre à ce… mage… de mieux analyser la plaie. Elle avait cessé de le regarder et s’en mordillait la lèvre inférieure de ne pouvoir soutenir son regard plus longtemps.

Lorsqu’il lui parla de ses origines elfiques, l’éclat des yeux de Lex changèrent d’un coup, l’espace d’un instant, trahissant son intérêt marqué. Puis ils reprirent leur expression habituellement méfiant, elle se sentait un peu attaquée dans son identité plus ou moins secrète.

- Il me trahit? Vraiment… dit-elle un peu suspicieuse, se demandant s’il n’avait pas pigé cette information d’un membre de son ancien clan.

Cependant, elle savait bien que, lorsque l’on s’intéressait un tant soit peu au peuple fée, on pouvait facilement en reconnaître les traits physiques. Oui, elle savait que son visage trop parfait la trahissait… il avait raison.

- Oui… enfin… à demi seulement. Elles semblent vous trahir aussi sous certains angles… monsieur Tasartir… du moins par moment, ajouta-t-elle avec une pointe de plaisanterie.

Bien sûr, elle faisait référence à son apparence plus « normale », celle qu’elle croyait être sa véritable apparence. Elle se demandait, d’ailleurs, pourquoi il avait décidé de se transformer alors qu’il examinait sa plaie. Qu’il veuille apparaître de cette manière dans un combat, elle comprenait, mais… pourquoi maintenant, alors qu’il était près d’elle et qu’il semblait vouloir lui faire croire qu’il ne lui présentait aucune menace?

Le sang coulait toujours abondamment et c'était de plus en plus douloureux. Oui, vraiment, si cette créature avait une magie aussi puissante, peut-être pourrait-elle stopper l’hémorragie.

- Alors dites… fit-elle simplement.

Puis, voyant que ce n’était peut-être pas assez précis, elle bonifia :

- Qu’avez-vous à me proposer?

Elle osa, à nouveau, lever les yeux vers lui. Ce regard d’émeraude brillant d’intérêt. Son pouls s’était calmé, cette petite discussion l’avait rassérénée.

- Si c’est une proposition pour un café chaud et des vêtements secs, je suis partante, fit-elle en affichant un sourire un coin.

Oui, elle faisait piètre figure dans ces vêtements dégoulinants et elle préférait discuter affaire après s'être réchauffée.

Un bruit attira son attention du côté du pont, comme le fracas de l’eau qui éclabousse. Alexia tourna nerveusement la tête dans cette direction, mais elle n’y voyait toujours rien. Un frisson la parcouru… était-ce les émotions du moment ou simplement le fait qu’elle était transie par son récent bain forcé dans l’eau froide de la rivière?

- Nous ne devrions peut-être pas rester ici… dit-elle en ramenant son attention sur Findecano.

Quand elle vit, du coin de l’œil, le halo violet, la jeune femme fronça les sourcils. Jamais au grand jamais elle n’avait vu les elfes produire une telle lumière. Elle sentait des picotements dans sa plaie, c’était vraiment bizarre.

Quand il eut terminé, Lex jeta un coup d’œil à la cicatrice. C’était vraiment stupéfiant. Elle lui bredouilla un « Merci. » alors qu’elle croisait à nouveau le noir profond de ses yeux. Il disait qu’elle avait eu de la chance, puis fit un commentaire sur l’arsenal de Badger avant que son regard ne s’embrume, comme s’il était plongé dans ses souvenirs. Elle aurait aimé avoir un pouvoir semblable au sien en cet instant précis pour pouvoir suivre le cours de ses pensées. Il avait fait l’armée? Mais laquelle?

Elle le laissa tout de même s’égarer dans sa mémoire, observant ses traits, toujours aussi fascinée, mais beaucoup moins stressée maintenant qu’elle avait eu une nouvelle preuve qu’il ne voulait pas s’attaquer à elle. Il venait de la guérir à l’aide de sa magie de manière tout à fait gratuite… enfin, oui, bien sûr, sauf si on omettait la proposition qu’il lui avait annoncée, mais qu’il n’avait pas exprimée. N’empêche qu’il avait semblé l’approcher avec grande empathie, soucieux de son état, il y avait longtemps qu’on avait fait une chose semblable à son égard et Lex en était légèrement troublée, comme si elle avait perdu l’habitude de, simplement, laisser les gens être sympathique avec elle.

Quand il reprit la parole, ce fut pour lui expliquer la raison pour laquelle il avait repris son apparence bestiale devant elle. Du coup, des tas de questions se formèrent dans sa tête, notamment, sur la nature de sa « véritable forme » comme il l’avait appelée. Quelle sorte de hasard génétique peut produire une telle physionomie? Était-il un hybride, comme elle? Mais, alors, un hybride de quoi? Elle n’arrivait pas à définir comment la nature aurait pu produire une telle créature, en fait. L’armée avait-elle fait des tests sur lui… comme dans ce film bidon qu’elle avait vu quelques mois auparavant? Non, là, elle devait se ressaisir, elle tombait dans la science fiction… quoique… ça n’était certainement pas impossible.

Alors que les scénarios les plus bizarroïdes se bousculaient dans ses méninges, Findecano la surprit encore en lui offrant de la porter jusqu’à chez-lui. Là, elle était sans mot. Enfin, il y avait déjà un moment que sa langue s’était paralysée dans sa bouche. Elle le regardait, les yeux écarquillés depuis quelques secondes quand elle réalisa que c’était stupide de le fixer comme ça, qu’elle devrait dire quelque chose, mais elle ne savait toujours pas quoi dire. Elle cligna des yeux, sortant de son ébahissement, jeta à nouveau un dernier coup d’œil au pont, puis, toujours sans un mot, elle glissa doucement et avec une certaine hésitation ses mains autour du cou de celui qui lui offrait son dos déformé, mais, néanmoins, visiblement, aux muscles très en état de la porter. Elle se colla à lui et noua ses jambes autour de sa taille, comme elle l’avait fait à quelques reprises quand elle jouait avec sa nounou quand elle était toute gamine. Sa joue touchait la chevelure étonnamment soyeuse de Findecano. C’était troublant. Tout en lui était troublant.

- Les chevaliers? Oui… enfin… au collège, dans les cours d’histoire, nous avons étudié le système féodal d’Enkidiev et la chevalerie, bien sûr… finit-elle par dire. Mais je dois avouer que c’est loin tout ça et que je n’étais pas toujours très attentive, continua-t-elle en laissant échapper un léger rire.

Elle se demandait, surtout, pourquoi il lui parlait de ça et, aussi, où une personne comme lui pouvait bien demeurer? Elle sourit intérieurement en pensant à une grotte. Non, sérieusement, il devait avoir un appartement ou quelque chose comme ça.

- Ils avaient de belles valeurs, dommage que tout cela se soit perdu à travers les époques… l’Enkidiev d’aujourd’hui manque cruellement de héros.

Elle avait dit cela en pensant à sa mère et à tous ces gens, humains, fées, elfes, malheureux, pauvres, abusés ou malfamés qu’elle avait croisé dans les dernières années. La misère, on en trouvait partout, dans le ghetto comme dans les bas-fonds d’Émeraude… même dans les tours d’ivoire dont les lumières lointaines perçaient faiblement l’obscurité derrière eux.

- Je… ne vous serre pas trop? Ça va? S’enquit-elle soudainement alors qu’elle sentait les vertèbres contre sa poitrine.

Satisfait qu'elle soit fascinée plutôt que terrifiée Findecano, heureux de son petit effet, venait de troubler complètement Alexia avec sa proposition... étrange... de la raccompagner chez lui. La il avait de quoi rigoler pour un bout de temps. Non, pas se moquer d'elle, juste la situation de choix dans le quel il venait de la plonger. Et elle en ressortirai certainement pas comme elle y était rentré. Le chevalier venait de recruter un membre clé pour le Front Féerique, tout collait. Ses origines, ses capacités, ses connaissances du gangstérisme emerien, son passé qu'elle chercherait a oublier. De plus, elle n'était vraiment pas désagréable a regarder... Non. Absolument pas. Ses cheveux châtains blonds encadrait un visage magnifique au regard pétillant et lui, une fée dégénérée en croisement d'homme, de démon et de chauve souris, la trouvait ravissante. Findecano ne put s'empêcher un soupir de découragement.
Lorsqu'elle céda a son invitation particulière, il eut l'occasion, de constater qu'elle était légère comme tout !! Si sa présence sur son dos entravait un peu ses mouvements, elle ne le générait guère plus. Sans prévenir, le chevalier commença a courir, se dirigeant vers les douanes, normalement tout d'abord, puis la fée accéléra, la vitesse stabilisant sa course effrénée.

Arrivant devant la frontière, il calcula brièvement son coup et mit une de ses main griffues au sol. Sachant que, pas rassurée, Alexia s'etait accrochée suffisamment fort Findecano relâcha soudainement toute la pression accumulée lors de sa course, et bondit... Avant d'atterrir souplement sur la douane a cinq mètre au dessus, rebondit... Pour atterrir finalement de l'autre coté... Le chevalier se posa quelque secondes, la tête penchée, avant d'annoncer sobrement: A l'allée je l'ai fais en un bond...
Et il redémarra, gravissant rapidement l'allée de fortune menant aux étages des chevaliers. Sachant la route longue jusqu'à ses quartiers, il commença, usant de sa télépathie:

** Pas toujours très attentive ? Si vous l'aviez été, ces quelques dernières années, vous aurez remarquée bien des choses !! Loin de moi l'idée de vous faire passer un interrogatoire mais... Que pensez vous de votre vie, de l'état général de l'humanité, de ces valeurs que l'ont vous enseignait ? Pour être plus précis... Que savez vous sur celui qui nous dirige, le grand marionnettiste ?? **

En percevant le message télépathique de Findecano, tous les muscles d’Alexia s’étaient tendus. La réaction avait été immédiate quand l’image de son père, Albin Vyken, s’était formée dans son esprit. Elle venait de comprendre, il avait engagé ce type pour la retrouver. Il se croyait bien malin en lui demandant de lui faire un exposé sur ses allégeances politiques! Et il voulait parler de qui, comme ça, de ce Céros que son père avait toujours encensé? Ou bien s’il poussait l’audace jusqu’à oser directement parler de son père qui avait un grand rôle politique sur la province émérienne.

À peine une seconde après le dernier mot perçu, Lex avait lâché prise et s’était laissé glisser au sol. Elle reculait, les sourcils froncés. Quelle conne elle avait été, et maintenant elle se retrouvait dans le ghetto qu’elle ne connaissait certainement pas suffisamment.

- C’était donc ça, glissa-t-elle entre ses dents… Depuis quand les mercenaires jouent-ils les bons samaritains?

Elle jeta un bref et vif coup d’œil aux environs, évaluant ses chances de lui échapper. La musique d’un club situé juste à côté tambourinait encore la nuit.

- Combien vous a-t-il payé pour me retrouver dites-moi? Vous a-t-il aussi payé pour me tuer, comme il l’a fait pour ma mère, ou si j’ai seulement l’obligeance de vous suivre docilement jusqu’à lui?

Elle se doutait que ça devait être la deuxième option, sinon il l’aurait tuée depuis longtemps, il avait eu nombre occasions de le faire. **Plutôt mourir que de souffrir encore sa vue!** Lança-t-elle télépathiquement à ce Findecano avant de sauter agilement une petite clôture. L’instant d’après, elle se faufilait en vitesse par une fenêtre à guillotine ouverte qui donnait sur le couloir du club qui menait aux toilettes femmes et elle entrait à bons pas dans la foule bondée et agitée. Ses vêtements avaient eu le temps de sécher un peu depuis son bain dans la rivière, mais son look mouillé lui valait quelques regards interrogateurs au passage. Heureusement, la grande majorité des fêtards étaient avancés en boisson et/ou en drogues diverses à cette heure tardive et, camouflée dans la masse chaotique de danseurs et de flirteurs, elle se fondit rapidement. Elle entra profondément dans le club, cherchant un moyen de sortir de là en échappant à la vigilance du mage qui était beaucoup trop puissant pour qu’elle ose l’affronter. Dans quel pétrin elle s'était encore fouttue!

- T'es tombé dans une piscine ou quoi? Fit-une voix masculine derrière elle.

Elle se tourna, elle ne reconnaissait pas ce grand... efle (à en voir les oreilles) qui lui souriait un peu bêtement. Ses yeux vitreux annonçait qu'il n'était pas très frais.

- Je peux t'offrir un verre? Continua-t-il sans attendre sa réponse.


[HJ : Je t'ai ajouté un p'tit comique dans les pattes Finde ^^]

Alexia observa brièvement et subtilement l’elfe un instant, puis, voyant se pointer la crosse d’un revolver par la chemise ouverte elle ramena son attention sur son regard brouillé, lui souriant avec un brin de malice. L’autre sembla prendre cela pour une réponse positive, car il lui offrit, en retour, un sourire teinté d’arrière-pensées. Elle fit semblant d’être soudainement bousculée par un fêtard qui passait et se colla à l’elfe, comme si elle venait de perdre un brin l’équilibre. Ce contact bref lui permit de subtiliser l’arme sans qu’il ne s’en rende compte. Elle s’était souvent servit de ce truc auparavant pour chiper du fric, c’était une première pour se procurer un flingue. Elle espérait seulement que ce crétin l’avait chargé alors qu’elle glissait discrètement l’arme à son ceinturon. Il serait malheureusement un peu visible à cet endroit, mais à voir l’état dans lequel se trouvaient les clients de la boîte, il allait être assez facile tout de même de le masquer avec son bras, et c’est ce qu’elle fit, portant la main à sa taille subtilement au dessus de la crosse. Elle était maintenant mieux outillée pour accueillir le mercenaire quand il se pointerait devant elle. Elle se doutait qu’il n’allait pas entrer là dans sa forme bestiale et, malgré ce qu’il semblait croire, elle n’était pas toujours inattentive, elle avait bien pigé qu’il ne pouvait se servir de ses pouvoirs s’il prenait l’apparence d’une fée. Il devenait un adversaire plus à sa hauteur sans magie… même si, elle se doutait bien, elle devrait user de ruse davantage que de force pour en venir à bout.

- Oh pardon… adressa-t-elle à l’elfe alors qu’elle se replaçait d’aplomb sur ses pieds.

- Y a pas de mal... alors, tu bois quoi ma belle? Répondit-il avec cet air faussement sûr de lui du gars qui est certain d’avoir une touche.

L’espace d’un instant, elle crut apercevoir un homme qu’elle connaissait, un des bandits de son ancien clan, mais ce n’était pas lui. Quand elle en fut certaine, elle reporta à nouveau son attention sur l’elfe. Elle allait répondre qu’on l’attendait ailleurs quand elle sentit des bras l’enlacer. Elle serra la main sur la crosse, elle s’apprêtait à offrir un splendide coup de coude au conard qui venait d’oser la toucher ainsi, mais elle reconnut la voix qui lui murmurait à l’oreille et elle stoppa son geste, écoutant ce qu’il avait à dire et savourant, malgré elle, la douceur de l’étreinte. Elle aurait préféré ne rien ressentir à cet instant et répliquer du tac au tac, mais elle fut plutôt enveloppée d’un chaud sentiment... c’était désarmant. Elle sentait bien dans ces propos et ce contact si tendre qu’il était sincère, mais elle savait mieux que quiconque que certaines personnes pouvaient être très habiles à vous jouer la comédie, peu, cependant, pouvaient prétendre lui arriver à la cheville à ce petit jeu.

Elle avait gardé les doigts sur la crosse, car elle savait bien que, s’il n’avait pas encore deviné qu’elle s’était trouvé un flingue, c’était une question de fraction de secondes avant qu’il ne le fasse. Elle faisait cependant ce qu’il fallait pour montrer qu’elle le croyait complètement, détendant chacun de ses muscles. Elle se retourna doucement dans son étreinte, elle voulait voir ses yeux. Tout pouvait paraître dans les yeux, n’est-ce pas? D’ailleurs, ce qu’elle y voyait lui criait qu’il était véritablement sincère. Elle glissa sa main libre vers le cou de Findecano qui lui apparaissait dans ce physique séduisant, caressant légèrement la peau du bout de ses doigts. Puis, fermant les yeux, elle avança ses lèvres vers son oreille, effleurant sensuellement la joue au passage, puis elle lui murmura :

- Ne t’avise pas d’essayer de me coincer.

Elle se détacha doucement de lui, croisant son regard. L’émeraude de ses yeux brillait d’une pointe de défi. Après un bref moment, son expression s’adoucit et elle fit un léger, presque imperceptible, signe de tête en direction de la porte, l’air de dire : allons-y.

- Eh, mec, je discutais avec la demoiselle, prends un numéro, fit l’elfe qui avait assisté à l’étreinte qui avait coupé court à son épisode de drague.


Il attrapa le bras de Lex pour la rapprocher de lui et elle en fut la première surprise. D’un réflexe, elle lui balança un vif coup sur le nez, l’homme porta la main à son visage en reculant, la lâchant par la même occasion. Il ne s’attendait certainement pas à ça. Cependant, elle put voir que, déjà, les vigiles étaient près d’elle. *Dieux, ils sont rapides!* L’un d’entre eux lui empoigna le bras à son tour, pour l’empêcher de cogner à nouveau. Il était fichtrement balèze et il serrait fort. Sur le coup, elle pensait qu’ils étaient là pour la fouttre à la porte, elle ne pouvait savoir que c’était Findecano qu’ils venaient chercher.

Sur le coup, elle ne comprit pas pourquoi ce fut Findecano qui fut la cible d’un des vigiles. C’était elle qui venait de cogner l’elfe, pas lui. Elle s’agitait pour tenter de se défaire de l’autre balèze, mais il la tenait fermement. Quand elle vit se relever celui qu’elle caressait seulement quelques secondes plus tôt, le visage couvert de sang, elle fronça les sourcils et enfonça un bon coup de talon dans les tibias du gorille qui la retenait. Celui-ci plia un peu les genoux, se mordant la lèvre inférieure, mais rassura sa poigne pour contenir l’étrangère qui commençait à lui taper sur les nerfs. Pendant ce temps, Findecano s’était transformé et, l’instant d’après, Lex était libérée. Les deux géants furent rapidement mis hors d’état de nuire par la bête au sourire carnassier qui reprit une apparence normale à peine une seconde après.

Alexia le regarda un instant, plutôt mal à l’aise de l’avoir vu se prendre un aussi sale coup pour un geste qu’elle avait posé, mais il l’informa que cette soudaine aversion pour lui avait trouvé sa source dans un historique chargé… ça n’avait pas grand-chose à voir avec elle, finalement. Ce qui la fit tiquer, fut qu’il disait se battre pour leur liberté. Plus tôt, il lui avait mentionné être au service du Front féérique… elle ne connaissait pas cette organisation, mais avait certes envie d’en entendre davantage.

Findecano avait raison, il fallait se tirer de là rapidement et, aussi, elle hocha la tête pour indiquer qu’elle l’approuvait, mais, en se retournant, elle vit la trentaine de curieux qui avaient stoppé toute activité et qui les fixaient, hébétés. Pas étonnant, ils venaient d’étendre deux gorilles et un elfe. Effectivement, pour la discrétion, c’était loupé. Cependant, ce qui la chicotait n’était pas nécessairement ces saoulons… ils étaient tous, pour la plupart, assez amochés et brouillés, mais plutôt les caméras de surveillance qui avaient probablement tout filmé. Elle repéra la console qui se trouvait juste au dessus du bar, puis reporta son attention sur l’attroupement silencieux.

- Un autre volontaire? Dit-elle à voix haute en affichant un air ironique.

Comme elle s’y attendait, aucun ne se proposa. Elle prit la main de Findecano et l’amena à sa suite, les curieux se poussant rapidement devant eux. Elle agrippa, au passage, une bouteille de plastique vide qui traînait sur une table et arracha du mur une affiche collée avec du gros ruban adhésif. Elle sortit du bar et se dirigea dans la ruelle située juste à côté de l’édifice où se trouvait une autre fenêtre à guillotine que l’on avait ouvert pour laisser l’air vicié de cette boîte s’évacuer un peu.

Dans cette ruelle, l’obscurité était quasi complète. La seule lumière provenait de la fenêtre qui donnait sur le bar. Elle s’arrêta, puis elle lâcha la main de l’homme-bête en lui chuchotant un « Attends.. ». La musique emplissait encore la nuit, mais il était tout de même nécessaire que le voisinage n’entende rien de ce qu’elle allait faire. Elle prit le flingue, plaça le goulot de la bouteille de plastique à son bout. D’un geste rapide, elle déchira quelques bouts de rubans adhésifs et elle les utilisa pour fixer la bouteille à l’arme. L’affiche tomba sur le sol et elle se plaça, visa la console à travers la fenêtre ouverte et tira. La bouteille avait fait son travail en diminuant considérablement le son du coup de feu, mais la console des caméras de surveillance venait d’exploser au dessus du bar en un spectacle sons et lumières assez impressionnant. Le barman se prenait la tête à deux mains, l’étagère tombait derrière le bar, brisant les miroirs et toute sa marchandise alcoolisée. Tout s’effondrait comme un château de cartes et les clients les plus près du comptoir s’étaient jetés au sol, pour éviter les éclats de verre et autres débris.

Elle reprit, ensuite, la main de Findecano et l’amena avec elle plus profondément dans la ruelle qui débouchait sur une autre rue de quartier. Elle jeta la bouteille dans une poubelle, replaça le flingue à sa ceinture.

- Il faut faire quelque chose pour ta tête… où il est ton appartement? Finit-elle par lui demander à voix basse.

[HJ : Si t'es en état de lui dire XD, tu peux considérer qu'elle te suivra où qu'elle t'y amènera, on pourra discuter... enfin quand tu seras moins sonné ^^.]

Alexia assistait, impuissante, au flot de sang qui s’écoulait de la tête de Findecano. Elle n’avait pas ses pouvoirs, elle ne pouvait pas le guérir. Était-il trop sonné pour se métamorphoser et se soigner lui-même? Aussi, elle s’inquiétait, elle craignait qu’il ne finisse par s’effondrer. Il tentait de lui expliquer tant bien que mal là où elle devait le mener, mais elle n’y connaissait rien à cette montagne pourrie. Aussi, quand il lui annonça que la milice venait vers eux, elle soupira d’un certain découragement, il ne manquait plus que ça! Elle ferma les yeux une seconde, les aboiements des chiens faisaient écho dans la nuit.

- Oui, moi je peux courir, mais toi tu peux pas. Je vais pas te laisser derrière! Chuchota-telle en ramenant son attention sur lui, tout dans ses yeux semblaient dire "t'es fou ou quoi? hors de question!".

« Pareil à des guêpes » qu’il disait. Ces guêpes, elles étaient fichtrement bien équipées et les chiens n’avaient pas l’air commode, ils s’agitaient comme s’ils avaient flairé un lapin. D’ailleurs, elle commençait à se demander si l’odeur du sang ne les avait pas attisés. Il disait qu’ils s’en tireraient sans peine en faisant comme si de rien n’était… qui essayait-il de convaincre ainsi? La peur transpirait par tous les pores de sa peau. Et ce serait facile de faire comme si de rien n’était, en plus, en se baladant avec un gars qui avait une tête de soldat en première ligne qui vient de se ramasser une grenade? Sérieusement, alors qu’elle lui offrait son bras et qu’elle l’aidait à marcher, elle doutait que sa tactique ne soit une réussite. Ça sentait le vinaigre tout ça. N’empêche qu’il était trop tard pour fuir ou pour tenter une esquive, le moindre mouvement suspect et il était évident qu’ils allaient lâcher leurs chiens. La démarche de Finde, qui semblait sur le bord de perdre conscience, allait certainement attirer l’attention. Elle ne pouvait pas simplement faire comme si c’était une simple balade nocturne, non, ça ne serait pas suffisant.

- C’est ridicule Archibald, pourquoi tu bois toujours jusqu’à ce que tu ne puisses plus tenir debout! T’as l’air de quoi, là? Hmmm? Tu m’appelles en pleurnichant à la fermeture du bar pour que je vienne te chercher! Pfff tu ne sais pas t’arrêter… ton père ne savait pas s’arrêter non plus. Pathétique! Tu parles d’un père de famille! Tu donnes quoi comme exemple à nos petiots dis? Un verre c’est jamais assez… nan… nan, toi il faut absolument que tu vois le fond de la bouteille! Et ben voilà, tu t’es pété la tête sur le trottoir aussi… c’est bien malin!

Oui, bon, ça lui était venu comme ça. Elle avait pris un ton qui n’était pas agressif pour ne pas faire monter la tension des canins, un ton plutôt de découragement, celui d’une sage épouse simplement épuisée devant l’alcoolisme de son mari. Sans avoir parlé trop fort, elle savait que les miliciens l’avaient entendue entre les aboiements de leurs chiens. Ils étaient à sa hauteur maintenant, de l’autre côté de la rue, il avait été facile pour eux de les rattraper, vu la vitesse à laquelle le couple marchait. Elle les voyait du coin de l’œil, mais elle continuait à parler au faux « Archibald » qui s’accrochait à son bras pour ne pas s’effondrer. Les miliciens les regardaient, leurs molosses tirant toujours sur leur laisse. Alexia faisait montre de son habituel sang-froid, même si elle sentait le sang se bousculer dans ses veines à chaque fois que les crocs claquaient dans leur direction. De son bras libre, elle caressait subtilement la main de Findecano qui s’était accroché à elle, histoire de tenter de le rassurer.

- 15-2, 15-2… purent-ils entendre émaner d’un équipement radio, un incident au 89 rue du Pic : il y aurait eu une bagarre suivi d’une explosion mineure.

La jeune émérienne poursuivait sa route sans se retourner, au même rythme, ajoutant quelques petites remontrances à son discours. Les miliciens s’arrêtèrent et l’un d’eux porta le talkie walkie à sa bouche pour répondre.

- Nous sommes tout près, on s’en occupe.

Bien sûr qu’ils étaient tout près, et Alexia savait exactement où cela se trouvait. Il ne fallait pas traîner, car quand on donnerait leur description, ils feraient rapidement le lien. Tout de même, elle fut soulagée de les voir faire demi-tour. Dès qu’ils furent hors de vue, Alexia se dépêcha à obliquer dans d’autres ruelles et rues du ghetto. Après quelques minutes, elle s’arrêta un instant dans un tunnel pour donner une pause à Findecano. Étaient-ils à mi hauteur de la montagne ou pas? Elle déchira une section du bas de son chandail et s’en servi pour appliquer là d’où émanait les saignements, essayant en vain de stopper l’hémorragie. Elle aurait aimé avoir du sucre en poudre sous la main pour stopper le sang, mais où pouvait-elle trouver ça dans le ghetto à trois heures du matin?

- Nous serons faciles à pister avec tout ce sang et c’est qu’une question de temps avant qu’ils lancent les chiens… si on se rend chez-toi comme ça, ils vont nous traquer jusque dans ta demeure. Transforme-toi je t’en prie… je t’en prie.

Son regard d'émeraude se faisait inquiet, sa voix était douce. Bizarre comme en à peine moins de deux heures elle s'était attachée à cet étranger si particulier, un homme merveilleux se cachant sous les traits d'un monstre. Les premiers aboiements ajoutèrent à l’urgence de la situation… la chasse à la fée était lancée. Si Findecano ne s'activait pas, elle allait devoir s'en servir comme apât afin d'attirer les milicien et les supprimer et cette idée ne l'enchantait guère, premièrement parce qu'ils étaient très équipés, deuxièmement parce qu'elle préférait toujours éviter les bains de sang... mais surtout parce que les risques étaient trop grand pour celui qui avait déjà tant fait pour elle. Elle sortit tout de même son arme et examina le chargeur, se préparant au pire.

Archibald? ARCHIBALD ??? Findecano faillit s'étouffer malgré la situation peut invitante. De tout les noms qu'elle aurait pu inventer, pourquoi ce truc si ridicule ?? Comprenant ou elle voulait en venir, le chevalier se mit a geindre doucement, de se plaindre, de s'excuser et feignant de vomir devant le sang étalé sur le trottoir. Mais les chiens le ramenèrent rapidement a la réalité et il se surprit a avoir des spasmes de terreur.

Comment est il possible de détester quelque chose a ce point ? commenta-t-il, s'adressant plus a lui qu'a Alexia...L'angoisse émanait de lui et avait vite fait de se transmettre a elle. Malgré cette peur le paralysant, la fée tendit l'oreille en direction des miliciens et ce qu'il entendit sortir des émetteurs radios le remit aussitôt sur pied ( le fait que les chiens s'étaient calmés jouait pour beaucoup aussi ). Continuant la comédie Findecano annonça faussement certain:

Ça va chérie, je crois que je peux me relever, c'est pas si grave que ça... mimoune... siffla-t-il, en profitant pour se venger du Archibald. Puis, tournant le dos au milicien, sa vois douce l'invitant, la fée enlaça Alexia ( on va pas dire que ça le dérangerait non plus ) et évitant de ne pas tacher ses fringues ayant a peine commencés a sécher, il murmura a son oreille:

Lorsqu'ils disparaissent dans l'autre rue, retourne toi et cours. A la fin de cette rue tu trouveras un carrefour piéton, prends la gauche et continue tout droit. Cela te mènera a la base de la montagne même, attends moi la bas...

Un paquet de jurons dont même Findecano fut étonné de la teneur s'éleva de derrière lui... Quelques secondes après, un chien courait vers Alexia, tachée de son sang, a quelques mètres de la mâchoire béante. Il devait se transformer, sinon ils n'en sortiraient pas vivants... ELLE ne s'en sortirait pas... Ce fut le coup de fouet. Le chien sauta, un bond prodigieux vers la nuque de sa victime, mais une main griffue sorti de nulle part fouetta l'air et déchira la gorge du molosse comme si elle n'était que de papier.

C'EST QUOI CE MONSTRE !! Regarde ce qu'il a fait au clebs !!! Putain jvais le crever cte bestiole moi ! Ou qu'il est passé l'autre Archi truc la !? Associant ses mots plutôt crus aux gestes, le milicien sortit un magnifique flingue mitrailleur de son dos... Ne sachant que peu de choses sur les armes a feu, la fée ne pouvait prédire l'ampleur du danger mais il parvint a conclure une chose... Tirer sur quelque chose avec la peau aussi dure lasserai bien vite ces abrutis et ils prendraient Alexia en cible, Findecano ne pourrait attaquer que si elle était écartée du danger... Hors, elle était juste derrière lui, dans une rue déserte avec autant de planques que ma main. Il devait être rapide !! Le chevalier créa un écran de protection, très faible, plus du bluff qu'autre chose, espérant qu'Alexia comprenne qu'elle devait pas s'y fier...

Un magicien hein ??? On va te faire passer le gout du passe-passe !

Fier de son jeu de mot subtil, le deuxième milicien lâcha sa laisse et brandit a son tour l'arme sophistiquée. Alors que le chien couvrait rapidement les vingts mètres entre eux, crocs dégoulinant de salive, les gardes le mirent en joue, patiemment... Mais trop tard, Findecano avait sauté... et atterrit avant qu'ils s'en rendent compte, derrière eux. Il planta ses griffes dans le dos d'un milicien, y enfonçant toute la main, presque jusqu'au coude, traversant la cage thoracique avant de la faire ressortir dans une gerbe de sang.

La prochaine fois que j'ai faim, je saurais quoi faire. pensa-t-il, ne pouvant s'empêcher un frisson de plaisir au sang ruisselant la longueur de son avant bras. Juste a venir ici et de faire exploser quelque chose.
Mais fatigué et psychologiquement éprouvé Findecano ne réagit pas assez rapidement. Avant qu'il ne comprit, le canon mitrailleur du survivant était posté a quelque centimètres de son regard. Il allait mourir ici... Le chien courait vers Alexia pour la déchiqueter et lui, chevalier, allait être abattu. Les balles logées une a une entre ses yeux sombres et mystérieux...

Mimoune? Ça sortait d’où ça? Ça sonnait comme des surnoms cuculs de vieux couple kitch… Bon, Archibald sonnait rudement vieil aristo fini aussi, donc, elle avait un peu couru après et elle le savait, cependant, ce n’était pas le temps de faire mumuse, la situation était trop critique… n’empêche qu’elle se mordilla brièvement la lèvre inférieure pour ne pas lui répliquer quelque chose.

Il l’enlaça et ce n’était pas pour lui déplaire, elle prenait véritablement goût à se blottir dans la chaleur de ses bras. Elle écouta son plan… il voulait qu’elle courre sans lui… elle n’aimait pas l’idée du tout et se demandait ce qu’il avait en tête, mais l’heure n’était pas à la discussion.

- N’essaie pas de m’amadouer, lâcha-t-elle en se détachant de son étreinte, l’air renfrogné.

Oui, car, il fallait rester dans le personnage, n’est-ce pas? Quelle femme digne de ce nom se laisserait docilement enlacer par son mari saoul qu’elle vient d’aller chercher au bar en pleine nuit? Bon, ok, il y avait aussi là une satisfaction de réplique… « mimoune »… quand même! ^^

Les aboiements venaient de stopper, remplacés par une flopée de jurons. Lex tourna vivement la tête vers les miliciens pour apercevoir l’un des molosses qui se ruait sur elle telle une torpille. Il n’avait plus besoin de japper, il allait pouvoir déchiqueter cette proie avec toute la fureur qu’il voulait! D’un seul coup de griffes, Finde le mit hors d’état de nuire. Sortant de sa torpeur, Alexia prit son arme, constatant non sans un certain rictus sur le front qu’elle était ridiculement minus en comparaison de l’attirail que le milicien sortait. Et… il n’y avait pas une fichue planque convenable dans cette rue de fond de coin perdu. Elle vit apparaître une espèce de bouclier… un écran? Enfin, elle venait aussi de localiser l’entrée d’une ruelle à quelques mètres. Avait-elle le temps d’y courir? Non certainement pas, car un deuxième molosse bondissait vers elle, mais cette fois-ci, elle l’attendait de pied ferme, elle tira, heurtant l’animal en plein vol. L’instant d’après, elle visait celui qui tenait Findecano en joue et elle tirait à nouveau, explosant la main qui portait l’arme. Il avait beau avoir protégé tout son corps avec du kevlar, n’empêche que les gants avaient besoin de conserver une grande souplesse et qu’ils offraient généralement toujours de bonnes failles, notamment aux jointures. Lex était d’une précision difficile à égaler avec un flingue, un véritable tireur d’élite. À une si courte distance, c’était du cake.

Avant même que l’homme, surpris par la douleur, ne réalise plus amplement l’étendue des dégâts sur sa main, Lex avait ramassé l’arme du premier milicien abattu et elle tenait le deuxième en joue. Mais voilà où était l’une des faiblesses de la jeune femme, elle n’avait jamais encore tué qui que ce soit, cherchant toujours un moyen d’arriver à ses fins sans avoir à le faire. Elle gardait fermement l’arme pointée vers lui, mais elle hésitait alors qu’il geignait de douleur en se tenant le poignet. Il leva les yeux vers elle, il semblait terrifié… elle était toujours figée et elle commençait à trembler. Elle ne pouvait pas le laisser conscient, il aurait tôt fait d’appeler tous ses p’tits copains. D’un mouvement vif, elle tourna le mitrailleur et heurta l’homme au visage de plein fouet avec la crosse. Il s’écroula au sol et elle abaissa son arme, l’adrénaline faisant frissonner ses muscles. Elle le regarda une seconde, puis, se rappelant que les coups de feu avaient certainement été entendus jusqu’aux douanes, elle attrapa le bras de Findecano au passage et couru dans la direction qu’il lui avait indiquée plus tôt.

Quand ils s’arrêtèrent finalement, Lex sentait ses jambes qui voulaient défaillir. Ayant l’habitude de refuser de se montrer vulnérable devant qui que ce soit, elle s’adossa à un mur, haletante, profitant de l’occasion pour reprendre son souffle, mais elle avait encore en tête le regard que l’homme lui avait fait avant qu’elle ne l’assomme. Elle tentait de le chasser de son esprit alors que sa respiration reprenait son cours normal, elle ne devait pas se laisser affecter.

Le besoin la prit en un instant, Findecano était juste à ses côtés et elle se glissa dans ses bras comme une enfant. Muette, elle ferma les yeux, l’enlaçant doucement. Elle se sentait à la fois fautive d’avoir été faible et heureuse d’être encore en vie, cette soirée d’événements pourris était-elle bien terminée ou si des miliciens les attendraient encore dans le détour? Qu’est-ce qu’elle allait fouttre de sa vie maintenant que même Badger avait essayé de la buter?

Le poignet du milicien explosa au moment critique, d'un geste souple, Findecano rebondit, atterrissant derrière lui... Tuer un éclopé ne serais guere plus difficile que de buter un homme insecte et le chevalier y prendrait un grand plaisir. Mais Alexia, plus rapide, saisit l'arme du premier mort et mit le survivant en joue. Sans pitié ni remords et poussé par un certain professionnalisme, la fée ne tient pas compte des supplications du milicien et souffla doucement a une Alexia hésitante, mettant en joue sa première victime:

Tire...

Surprenant le chevalier une fois de plus, elle ne fit que l'assommer en un magnifique revers de l'arme. Soupirant, Findecano se laissa tiré par le bras... Né dans un camp de concentration, ayant vécu dans un ghetto et maintenant entrainé pour purger l'humanité, le chevalier n'avait jamais laissé aucun état d'âme brouiller son sens de la justice plutôt... expéditif... Et les bataillons suicidaires et son emprisonnement ne l'avait pas guéri de cet amour du carnage. Bah, il lui apprendrait.
Suivant de près Alexia, malgré ses plus grandes jambes, il faillit lui rentrer dedans lorsque, soudainement, elle s'arrêta... Plongeant d'abord son regard emeraude dans le sien, une tête plus haut, elle ferma les yeux, et a sa grande surprise, elle se blottit dans ses bras gris et noueux. Les yeux de Findecano s'embrasèrent au contact: Ce n'était pas la première fois qu'il se rapprochait de tel façon d'une femme, mais la teneur des sentiments n'équivalait aucunement ceux portés a ces précédentes conquêtes. Mais surtout... elle... Alexia, se foutait de son apparence. Elle venait de se jeter dans les griffes d'un monstre squelettique, au sourire rageusement repoussant... Tremblante, éprouvée, ses vêtements humides, des taches de sang couvrant son haut elle paraissait bien petite dans son étreinte mais cela, paradoxalement, ne la diminuait pas, elle exaltait la confiance et l'ingéniosité... Mais elle paraissait minuscule quand même. La pensée qu'il pouvait la tuer en l'écrasant de ses bras puissants lui sautilla dans la tête...
Passant doucement les mains sur ses cotes, Findecano pencha sa tête affreusement déformée et ses lèvres grises frôlèrent son front, frémissants au contact. Malheureusement ils ne seraient en sécurité que chez lui et même si le chevalier résidait juste au tournant, se défaire de cet étreinte lui était impossible. Son sourire plus heureux que simplement ironique, il lui murmura doucement a l'oreille:

Allez Mimoune, faut se remettre en marche, j'habite a pas plus d'un kilomètre d'ici... Tu vas voir, de nuit la vue est a couper le souffle...

Findecano se défit lentement de ses bras menus, et, le plus docilement possible malgré la présence de griffes de dix centimètres au bout de chacun de ses doigts, il lui prit la main.
Ils marchèrent en silence pendant cinq minutes, avant d'arriver a la pointe de la petite falaise aménagée en dortoir... L'avantage d'avoir un chevalier vivant directement dans un quartier aussi pauvre avait calmé le vandalisme et Findecano s'était personnellement investi pour rendre ce coin paisible... A vrai dire, le riverain le plus dangereux, c'était lui.
Plutôt que de rentrer directement, le chevalier attira Alexia vers le bord du balcon improvisé, offrant une vue plongeante sur la province-ville d'Opale illuminée et ses multiples grattes ciels, perçant le ciel étoilée avec force mais harmonie. Toujours souriant, le chevalier ricana doucement avant d'annoncer et de l'enlacer a nouveau:

Enlever la vie de chacun des hommes occupant ses tours m'apporterait plaisir par dessus tout, mais ses constructions sont tout simplement sublimes... En harmonie avec chacune des etoiles... Il marqua un petit soupir admiratif avant de continuer:
On rentre ?

Plongeant son regard couleur obsidienne dans ses yeux exaltants d'énergie, Findecano devina qu'il ne pourrait plus se détacher de ce regard emeraude pétillants de compassion et d'intelligence... Il n'avait fallu qu'une nuit... Mais quelle nuit... Et dire qu'il était parti pour la croquer...

Lorsqu’elle sentit les mains de Findecano se poser sur elle en une étreinte si tendre, elle fut envahit d’un bien-être salvateur, il lui sembla qu’elle respirait plus librement, comme si elle laissait tomber un fardeau qu’elle avait porté si longtemps que son corps s’y était habitué et qu’il ne le sentait plus. D’un coup, Lex la rebelle se permettait d’être celle qui avait besoin de réconfort et de laisser une autre personne le lui offrir dans l’asile de ses bras. Elle ne se rappelait plus avoir été aussi bien et elle savoura ce moment, se blottissant contre lui, se sentant en sécurité, respirant son odeur. Findecano l’avait sauvée tellement de fois dans les dernières heures, celui qu’elle avait d’abord pris pour un monstre sanguinaire, qui ne semblait pourtant aucunement hésiter à prendre la vie au bout de ses longues griffes, s’était avéré être l’homme le plus altruiste à son égard qu’elle ait rencontré de toute son existence. Son apparence déformée n’arrivait tout simplement plus à voiler ce cœur immense. Alors qu’elle sentait ces lèvres grises frôler son front, elle songea dans un doux frisson qu’elle aurait aimé figer cet instant pendant des heures. Son souffle chaud tout près de son oreille, il l’appelait encore par ce surnom ridicule, mais elle ne s’en formalisa pas. À cet instant, elle s’en fouttait, cette nuit de malheur se terminait enfin et elle avait trouvé un refuge si confortable collée contre son corps. Elle ne put s’empêcher de soupirer discrètement quand il se défit lentement de l’étreinte, elle glissa sa main dans la sienne, caressant ses doigts et marcha en silence avec lui jusqu’à ce balcon. La vue était effectivement magnifique et malgré sa propre haine des gratte-ciel, symboles de la réussite de tant de gens assoiffés de pouvoir et de richesse comme elle en avait connus, elle ne put s’empêcher d’admirer.

Il l’enlaça à nouveau et elle glissa ses mains doucement le long de ses bras aux reliefs tortueux jusqu’à ce qu’elles atteignent sa nuque. Il n’avait pas idée comme elle comprenait son commentaire, même s’il semblait le prendre à la légère… elle lui raconterait tout à un autre moment, mais pas maintenant… pas alors qu’elle se noyait dans ces yeux plus noirs que la nuit, fascinants, si obscurs, mais si vivants à la fois. Elle se mordilla légèrement les lèvres un petit instant, puis elle osa leur offrir ce qu’elles réclamaient. Ses paupières se fermèrent, ses longs cils s’abaissant, et elle frôla ses lèvres presqu’imperceptiblement sur les siennes avant de sceller ce contact par un baiser. C’était si doux… son cœur bondit dans sa poitrine, tellement qu’elle en fut surprise, pourtant ce n’était pas la première fois qu’elle embrassait un homme, mais, là, c’était différent, c’était…

- Archibald… murmura-t-elle mielleusement alors que ces yeux s’ouvraient et laissaient percevoir un éclat espiègle.

Elle laissa échapper un rire discret et un sourire se dessina au coin de ses lèvres.

- Oui, ok, on rentre… chuchota-t-elle en se détachant de lui.

Elle passa le pas de la porte en retirant le mitrailleur qu’elle portait toujours en bandoulière. Elle le déposa sur le sol, puis jeta un bref et timide coup d’œil à ce qu’elle pouvait voir de la demeure du mystérieux Findecano Tasartir. Les femmes ont ce sens qui leur permettent d’apprendre tant de choses sur un homme en observant son appartement, la manière dont il l’habite, le meuble, le décore… ses odeurs et ses tons… ces petits trucs négligemment laissés à la traîne (rare qu’il n’y en a pas dans une demeure masculine).

Elle délaça et retira ses bottillons qui avaient fait trempette dans la rivière, elle n’en pouvait plus de les porter, ce cuir mouillé était une véritable torture. Ses chaussettes la gênait aussi à vrai dire… imaginez-vous leur mine boueuse… enfin, elle regarda un peu sa tenue sous l’éclairage et en rougit presque.

- Je ne me rappelle plus avoir été aussi crasseuse, c’est affreux… finit-elle par dire en affichant un sourire timide.

N’empêche qu’elle réussit à trouver le moyen de passer outre son inconfort au fil des secondes, peu de temps après elle arpentait son salon, attendant ce fameux café, mais espérant encore plus le moment merveilleux où elle pourrait profiter d’une bonne douche. Sur le buffet était posée une épée, c’était la première fois qu’elle en voyait une qui ne semblait pas être du toc et elle glissait le bout de ses doigts sur le pommeau, touchant sensiblement le métal froid. Les rayons de lune perçant à travers une fenêtre se reflétaient sur la lame particulièrement affilée. Cet objet lui rappela la petite conversation qu’ils avaient entamée avant qu’elle n’entre au club.

- Les chevaliers… hmmm… lâcha-t-elle sans détourner son regard de l’arme alors qu’il revenait vers elle. Et qu’auraient-ils à voir avec les marionnettes et cette poignée d’hommes qui tirent leurs ficelles en fait… poursuivit-elle en levant les yeux vers lui, cherchant des explications au questionnement qu’il avait soulevé plus tôt et pour lequel il avait réagit quelque peu offensivement à sa réponse peut-être trop naïve ou oisive.

Bienvenu chez moi !! annonça plus ou moins fièrement le chevalier. Il remarqua les coups d'oeil inquisiteurs qu'Alexia lançait a droite a gauche, cherchant une quelque faille pouvant l'en informer plus sur son mystérieux sauveur et ne put s'empêcher un sourire lorsqu'il remarqua qu'il avait oublié de ranger son épée de chevalier. Là sa couverture tombait a l'eau... Ce qu'il lui rappela soudainement qu'Alexia était trempée ! Jouant les poètes, il commença:

Cette épée servira justement a couper ces ficelles, quiconque la manie. J'ai pas mal de choses a t'expliquer Alex, mais d'abord tu vas prendre une douche !

Traversant la pièce minuscule mais doté d'un plafond haut, il tourna soudainement a gauche, et écarta un rideau sur un mur soigneusement cassé cachant une deuxième pièce, sa salle de bain !

Désolé, c'est un peu salaud que de t'infliger ça mais, l'eau chaude ne fonctionne que quelques douzaines de secondes donc ça va être une douche a eau froide, mimoune. Le savon est dans la douche et les serviettes dans le placard sous l'évier. Moi, je vais faire du café... enfin... ouais... du café.

Malgré une scène aussi banale, Findecano s'amusait bien. C'était bien la première fois qu'il refaisait ainsi le tour de son petit et modeste appartement décoré jadois, mais il avait l'impression de le redécouvrir avec elle. Retournant dans le salon, il attendit qu'Alexia fasse glisser le rideau avant de se précipiter sur ses placards. Les portes ouvertes le chevalier constata que du café... il en avait pas vraiment, par contre, il avait de la vodka, du schnaps, de la bière, du vin, du saké, plusieurs paquets de pilules, beaucoup de somnifères et, en tant qu'admirateur de la culture Jadoise ( clairement exprimée a travers la décoration de son salon ), du thé. Il referma prestement le placard compromettant avant de se lancer dans une chasse au café... Findecano réussit finalement par trouver de cet or noir au fin fond d'un tiroir...
En préparant un, il se servit, lui, un thé et, se postant dans la cuisine, laissa ses esprits vagabonder; Il était parti chercher a manger et il revenait bredouille, avec une bouche a nourrir ! Cette petite pensée le fit sourire et il sortit une bouteille de saké qu'il vida sur le champ. Le chevalier devint un peu plus calme et se retransforma en fée, son appartement étant déjà assez serré comme ça !

Café prêt pour madame !

Hiiiiiiiii! Quelques douzaines de secondes? Même pas! Trois ou quatre à la limite! Elle avait à peine eu le temps d’attraper le savon. Alexia serrait les dents, se dépêchant à se laver alors qu’elle se faisait fouetter le sang sous l’eau glacée. Findecano devait être un peu masochiste pour endurer ça tous les jours, mais… bon… la douche s’imposait, là, vraiment et, après une petite minute, son corps s’était UN PEU habitué à la température. N’empêche qu’elle ne s’y éternisa pas au-delà de ce qui lui fut nécessaire. Elle en sortit en claquant des dents pour s’emmitoufler, l’instant d’après, dans une serviette.
Elle se sécha, osa utiliser la brosse à cheveux qui était posée sur le comptoir pour démêler sa tignasse châtaine, non sans une certaine gêne, puis se glissa dans un long peignoir (qui était vraiment trop grand, mais, bon… détail). C’était intimidant de sortir ainsi vêtue devant lui, mais, elle ne pouvait pas remettre ses vêtements qui étaient, disons-le, très sales et plutôt humides.

Elle entendit sa voix qui annonçait le café et ne put empêcher un *Alléluia!* de lui emplir la tête et d’illuminer son visage. Elle le rejoignit dans la cuisine, le rouge lui venant naturellement aux joues lorsqu’elle croisa son regard. Il avait repris sa forme fée. C’était vraiment déroutant de se retrouver, ainsi, devant des formes si différentes de la même personne, mais, elle s’y habituait.

- Je vais devoir laver mes fringues… enfin… commença-t-elle, plutôt hésitante. Merci pour la douche et… le café, bien sûr, continua-t-elle dans un sourire.

Elle posa ses mains autour de la tasse pour les réchauffer et porta son nez au-dessus pour y prendre les arômes, fermant les yeux un bref moment. Il était noir, pas besoin de sucre ou de crème, elle adorait le café noir et elle y goûta en faisant bien attention de ne pas se brûler (parfois on tombe sur des boissons bouillantes qui vous brûlent les papilles). Emportant la tasse avec elle, elle s’approcha de Findecano, se colla à lui un instant pour lui murmurer :

- Vous êtes bien mystérieux Monsieur Tasartir, mais vous faites du bon café.

En fait, avec la soirée merdique qu’elle avait passée, elle aurait bu même un café du resto Chez Drake… et les dieux seuls savaient à quel point elle avait pesté contre ce liquide grisâtre la seule et unique fois où elle en avait bu. Elle laissa échapper un rire discret, puis plongea son regard dans le sien. L’observant mieux sous cette lumière. Pour la première fois depuis des années, elle avait envie d’ouvrir le livre de sa vie, de tout raconter à quelqu’un. Pouvait-elle lui faire confiance? Oh, oui, elle sentait qu’elle pouvait et elle balaya tout de suite ce questionnement alors que ses traits prenaient un air plus sérieux et qu’elle venait s’adosser au comptoir, prenant une certaine distance avec son interlocuteur.

- Albin Vyken, finit-elle par dire, c’est de lui que je parlais tout à l’heure avant que je n’entre dans ce club. Le député, ouais, c’est… mon père et il me cherche. Après toutes ces années, il placarde encore des avis de recherche avec ma photo un peu partout à Émeraude et même dans d’autres provinces. Il a engagé des tas de types pour me retracer. En fait, quand j’ai appris qu’il avait fait supprimer ma mère, j’ai fugué et me suis retrouvée dans les rues.

Elle prit une grande inspiration, il y avait si longtemps qu’elle n’avait pas prononcé son nom et cela la ramenait tout droit face à son enfance.

- Je t’en parle histoire que tu ne t’imagines pas que je suis recherchée par un ex-mari jaloux et débile ou par un grand gangster… Enfin, quoique, ce dernier cas de figure risque fort de se présenter maintenant, plaisanta-t-elle.

Elle songea, d’un coup, qu’il lui serait très difficile, désormais, de retourner à Émeraude sans s’y faire coincer par son ancien clan ou par n’importe quel autre gang sous le règne des grands chiens. Sûr que Badger avait tout rapporté et s’ils la voyaient vivante… Bon, il était préférable de ne pas y penser pour l’instant.

La remarquant aussitôt rougir de se présenter a lui en sortie de douche, le chevalier ne put s'empêcher un sourire moqueur. Non, le peignoir ne la diminuait physiquement pas... Alexia, ainsi vêtue, Findecano put contempler, le plus directement possible, ses formes généreusement proportionnées, soudainement heureux de ne pas a voir d'habits a lui proposer... Il lui offrit un sourire chaleureux et commenta:

Pourtant je n'ai jamais vraiment apprécié la boisson, enfin cette boisson, je préfère le thé, entre autres... Et ne m'appelle surtout pas Monsieur Tasartir, cela me vieillit encore plus que Archibald...

La fée l'étreignit doucement alors qu'elle se blottissait contre lui, ses lèvres rendus violettes par la douche froide et l'écouta sans broncher avant de plaisanter, ses yeux bleu malicieusement étincelants:

Je pars pour manger, je me retrouve dans les bras de la fille d'un politicien millionnaire corrompu qui met tout en œuvre pour la traquer... Moi qui souhaitait avoir une vie paisible et calme... Quoique je ne me crois pas très bien placé pour avancer ça. A vrai dire, si la FPA venait a forcer le ghetto de Cristal, tu serais le moindre de mes soucis... Enfin, si tu souhaites rester... se coupa-t-il lui même, son désir clairement exprimé.

A ce moment la Findecano envisagea sérieusement un avenir commun... Enfin, dans la mesure ou il n'était pas du genre a couveter ses amours et elle semblait plutôt indépendante... Que pouvaient-ils esperer ? Lui était une fée dégénérer, membre de l'organisation clandestine décrétée ennemie numéro 1 du peuple par un gouvernement mené par l'entité la plus puissante de ce bas monde et héritier de la famille royale du peuple détesté. Et elle, échappée des hautes sphères de la société, traquée par son père politicien incommensurablement puissant, et elle même membre proéminent du banditisme a grande échelle emerien.

En but de se chasser ces idées moroses, le chevalier attrapa le fond de saké qu'il avait laissé trainé et le finit. L'alcool lui permettait d'oublier son état de manque perpétuel et l'aidait a porter une réflexion un brin plus optimiste sur le monde. Réussissant a formuler et a ordonné son cours de pensé, il commença, le plus franchement possible:

J'imagine que tu auras compris ou je voulais en venir, lors de notre escapade; Je sers l'ordre le plus anarchique de ce continent, crée dans l'unique but de détruire Ceros, quel qu'en soit les moyens... Je suis un chevalier d'Emeraude, Alex, et je te propose de nous rejoindre...

Puis, il rajouta une touche plus sentimentale, cherchant ses lèvres avec les siennes:

De rester avec moi...

Si elle souhaitait rester? Alexia le regardait avec un air intéressé, mais surtout avec une curiosité attisée, mais non comblée. En fait, pour le moment, elle n’avait nul autre endroit où aller, alors la proposition était tout à fait à point, mais elle avait des questions… trop de questions… Il semblait réfléchir, et il vidait le fond d’une bouteille d’alcool. Généralement, les gens faisaient cela, soit pour se détendre, soit pour se donner le courage de faire ou dire quelque chose ou soit pour chasser des idées noires. Tout cela la laissait s’attendre à plus et, d’ailleurs, il finit par prononcer la suite : une proposition à deux volets. L’une lui offrant de rejoindre l’Ordre reconstruit pour supprimer Ceros, l’autre lui offrant de rester à ses côtés. Elle n’avait aucun problème avec la seconde, mais la première nécessitait un peu plus d’éclaircissements. Les amours, c’était une chose. À part se faire briser le cœur, il n’y avait pas grand risque à s’aventurer tête baissée dans une histoire naissante avec une personne dont on connait si peu de chose. Mais, le boulot, c’était autre chose. Elle avait besoin de savoir pour qui, pourquoi, et, aussi, avec qui. Supprimer Ceros, oui, d’accord, ce grand général vénéré et craint entretenait un régime sur Enkidiev qui méritait d’être réduit en cendres afin de libérer les peuples oppressés. Après avoir, elle-même, observé la vie dans le ghetto quelques années plus tôt et s’être tenue un peu au fait du sort des fées et des elfes, l’hybride avait, elle aussi, soif de libérer ceux qui étouffaient sous la botte de Ceros. Elle ne considérait pas encore le peuple féérique comme le sien, mais elle savait que ses origines étaient intimement reliées à leur histoire et leur sort lui tenait à coeur. Cependant, elle n’avait aucune idée de la véritable nature du général. Pour elle, il était simplement un cruel dictateur. Son questionnement se portait aussi sur ceux qu’elle devrait épauler… qui avait fait renaître l’Ordre? Qui le dirigeait? Mais, surtout, aux côtés de qui elle devrait se battre? Même Findecano, celui qui, à cet instant, faisait battre son cœur dans sa poitrine si fort qu’elle en ressentait les percussions jusque dans sa tête, celui qu’elle avait tellement envie d’embrasser qu’elle en frémissait… même lui était encore un mystère pour elle.

Alors que les lèvres de Findecano cherchait les siennes, Alexia songeait qu’elle ne pouvait sceller cet accord avant d’en savoir davantage et répondre à ses lèvres aurait signifié qu’elle acceptait.

- Rester avec toi… dans ce luxueux ghetto avec douche à l’eau froide… c’est une proposition vraiment séduisante, murmura-t-elle avec une pointe taquine. Mais là tu triches, tu me poses deux questions en une.

Se séparer de lui la déchirait, elle en avait le souffle coupé, mais elle se détacha tout de même, se reculant doucement, son regard émeraude soutenant le sien. Elle porta le café à ses lèvres, histoire de calmer ce corps qui se languissait déjà de la chaleur des bras du chevalier, puis, après en avoir siroté un peu, remettant en place ses idées tout à la fois, elle déposa la tasse sur le comptoir, fixant le vide un petit moment.

- Supprimer quelqu’un, même si c’est une personnalité puissante et importante, n’est pas sorcier généralement. Surtout pour des gens qui auraient des pouvoirs comme les tiens. Plusieurs grands personnages ont perdu la vie en quelques secondes… une balle tirée d’un édifice, un poison glissé dans une coupe… bien planifié, un très court instant peut être suffisant. Les autres… chevaliers… s’ils ont ne serait-ce que la moitié de tes qualités, pourraient tout aussi bien y arriver… Enfin si Ceros n’est qu’un général, aussi sinistre qu’humain.

Elle fit une pause avant de soutenir son regard à nouveau.

- Tu ne me dis pas tout.

Les traits de son visage étaient détendus, mais, néanmoins sérieux. Encore quelques heures avant, Alexia n’avait même pas idée qu’une créature avec une magie aussi puissante que Findecano puisse courir les rues d’Émeraude. Les elfes qu’elle avait côtoyés n’avaient pas le quart de ce qu’elle avait pu voir de cette étrange fée. Y avait-il encore plus redoutable?